Jean Khoury
Entretien réalisé via Messenger le mercredi 11 juin 2008, par Louis.

 

• Cher Jean, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

J'ai 46 ans, laïc, fiancé, et, bien que Français, je vis à Londres depuis 2002. Il y a une grande communauté de Français à Londres. Nous sommes la septième ville de France en nombre de Français. Je me souviens bien du conseil de Jean Guitton qui disait qu'il était bon pour nous Français de passer une ou deux années Outre-Manche. Ce dernier avait fait sa thèse de Doctorat sur John Henry Newman, et pour cela il avait passé deux ans à Oxford, où il avait apprécié l'esprit anglais dans ce qu'il a de pragmatique et d'utilement « déroutant » pour nous. Il est vrai que je n'ai pas suivi ce conseil à la lettre puisque j'ai prolongé de cinq ans l'expérience. Cela dit, à cause de mes engagements, je voyage souvent en Italie. Si ma mère est Française, mon père est Egyptien. Ce qui fait que je porte aussi en moi la culture de cet autre grand pays qui a tant donné à l'Eglise.
Ayant été formé chez les Jésuites du Caire pendant 13 ans, jusqu'au bac, je suis ensuite parti en France pour l'Université. J'ai suivi deux Licences, une d'Electronique (Grenoble) et une autre de Chimie (Rouen). Au total cinq ans. Et entre temps, en troisième année de Fac, le Bon Dieu est entré avec force dans ma vie et ne m'a plus jamais lâché ! Ensuite j'ai reçu une formation auprès des Carmes. Je reste très reconnaissant au Carmel pour tout ce qu'il m'a offert : une immense richesse, irremplaçable. J'en resterais marqué jusqu'à la fin de mes jours. Après plusieurs responsabilités, j'ai été amené à me concentrer toujours sur l'enseignement de la vie spirituelle que je poursuis toujours.

• Quelle école de théologie avez-vous suivie ?

J'ai d'abord fait un Deug de Philosophie à l'Institut Catholique de Toulouse, et ensuite une Licence en Théologie à Rome, au Teresianum, Université des Carmes. Je dois dire, qu'avoir passé 3 ans au Teresianum, à Rome, a été très enrichissant. Déjà être à Rome est une expérience unique, qui nous met au cœur de l'Eglise et qui nous permet par le fait même de nous rendre compte de ce qui se fait de par le monde ! Beaucoup de personnes, de tous les horizons passent par Rome, et ceci donne lieu à des rencontres qui sont des bénédictions. De plus, le Teresianum, qui est l'Université des Carmes, offre une formation à la vie spirituelle unique ! La fréquentation des Cours, les rencontres avec les Professeurs qui vivent sur les lieux, l'accès à une des plus riches bibliothèques du monde en Théologie spirituelle, tout ceci fait de ce haut lieu un paradis pour qui est appelé à se donner à la vie spirituelle pour la servir. Sans oublier que l'on en sort avec deux langues de plus (l'Italien et l'Espagnol).
Ensuite, j'ai fait ma Maîtrise en Théologie à l'Institut Catholique de Toulouse. Je dois dire au passage que Toulouse a joué un grand rôle dans le renouveau de la Théologie spirituelle dans la première moitié du siècle dernier.
Me voilà actuellement faisant mon Doctorat à l'Angelicum à Rome (Université des Dominicains) en Théologie spirituelle. J'étudie les étapes de la vie spirituelle qui viennent après l'union à Dieu, à partir des écrits du P. Louis Guillet, carme. De fait, la plupart des manuels et des sommes de théologie spirituelle s'arrêtent après l'union à Dieu, comme si tout devait se terminer là et qu'on ne pouvait qu'attendre la mort ! Or les études et recherches du P. Louis Guillet l'ont porté à mieux comprendre et sainte Thérèse de l'Enfant Jésus et la vie spirituelle dans ses étapes qui suivent l'union à Dieu. Nous pourrions presque dire, que beaucoup reste à faire après l'union à Dieu, et que l'union ne signifie point s'installer confortablement sur le fauteuil de la contemplation, mais bien s'investir corps et âme au service du Corps du Seigneur, en prolongeant Sa vie sur terre, comme le fit saint Paul et tous les saints, chacun selon son appel.

• Quelle est votre spécialité ?


Comme vous le voyez, ma spécialité est la Théologie spirituelle. L'étudier, l'approfondir, faire de la recherche dans ce domaine, l'enseigner, écrire, et la promouvoir comme discipline importante en Théologie est ma raison d’être. De par mon cheminement spirituel, j'ai été amené à me spécialiser dans ce domaine de la Théologie et j'y consacre désormais ma vie depuis plus de 15 ans. J'ai déjà enseigné à l'Université durant 3 ans et dans un Institut pour jeunes, et j'ai fondé l'Ecole de Marie, formation pour adultes en vie spirituelle, sur 3 niveaux.
C'est à la Théologie spirituelle que je dédie toute ma vie, mon énergie et mon temps. De fait c'est mon travail à plein temps. Elle a tant besoin d'ouvriers. Je l'ai épousée, pour ainsi dire, et je l'aime de tout mon cœur et de toute mon intelligence. Je l'enseigne depuis 1992. D'abord ce fut à des religieux et à des moniales puis, par la suite, depuis 1998, aux laïcs. J'ai écrit plusieurs livres dans ce domaine qui ont été publiés en Italie et en Angleterre.

• Qu’est-ce que ce livre « Lectio Divina à l’école de Marie » apporte de plus que ceux déjà publiés sur ce thème ?

Le livre sur la lectio divina est le fruit de cet enseignement que je donne depuis 1992. Quand on donne des cours, il est important d'offrir aussi un support écrit. C'est cela l'origine du livre.
Cet enseignement, par plusieurs côtés, est « original ». « Original » n'est pas à prendre au sens d'une nouveauté qui se situerait hors de la Tradition spirituelle de l'Eglise. « Original » est plutôt par rapport à ce qui se fait actuellement, surtout depuis le renouveau suscité par Vatican II. J’ai pratiqué très tôt la lectio divina à partir des lectures de la Messe (vous savez, c'était le temps où le livret Prions en Eglise était lancé, nous sommes au début des années 1980), ayant vécu cette expérience de manière quotidienne et très forte, j'ai toujours cru que cela était donné à tous.


 

Ayant suivi à l’époque un cours, à Grenoble, sur saint Augustin, fait par un grand spécialiste, et m'étant énamouré de ce saint, en le voyant dans ses homélies commenter les lectures du jour, il me semblait aussi que c'était normal de faire la lectio ainsi, à partir des lectures du jour. La liturgie de la Parole, la Table de la Parole, est le lieu le plus naturel du passage de la Grâce, au quotidien. Ce n'est que par la suite que je me suis rendu compte que ce n'était pas évident pour tout le monde ! C'est là que j'ai senti que je devais partager cette expérience quotidienne et l'expliquer.
Ce qui fait donc l'originalité de ce livre c'est qu'il présente une méthode pratique pour faire la lectio ; il en décrit en détail les étapes, le « comment faire », et par ce fait, est plus accessible que le simple conseil : « priez » et « contemplez » que la tradition nous offre depuis Guigues Le Chartreux ! L'autre originalité de mon livre et que je mentionnerais est le fait que la lectio proposée est faite à partir des lectures du jour ! C'est à mon sens un geste de réalisme. Bien sûr on peut très bien faire la lectio de mille autres manières, mais cette manière que j'appellerais « liturgique » m'a toujours semblée prioritaire car réaliste, et ecclésiale.
Bien sûr le livre offre bien plus que cela, car il évoque bien des questions rarement débattues par les auteurs : le rôle de l'Esprit Saint dans la lectio, l'exemplarité de Marie, comme idéal pour qui écoute la Parole et la met en pratique, et une foule d'indications sur « lectio et vie quotidienne », qui vont des « difficultés de la lectio », en passant par « lectio et vocation », jusqu'à « lectio et vie intellectuelle » et « lectio et oraison ». Beaucoup de choses « nouvelles » et pourtant toutes anciennes !

• Pourquoi avoir choisi les éditions Docteur angélique pour publier votre ouvrage sur la Lectio Divina ? Et avez-vous d’autres livres disponibles ?

D'abord et avant tout c'est un lien d'amitié qui me lie au directeur des éditions Docteur angélique. Là aussi je mentionnerais à nouveau Jean Guitton, qui soulignait toujours la grâce d'avoir une relation étroite avec son éditeur. Quand cela se présente, oui c'est une grâce. Et c'est le cas. Par ailleurs, je trouve que le courage de lancer une maison d'éditions par les temps qui courent est une chose louable et à soutenir ! Les chrétiens ne se rendent pas compte du monde de l'édition, de ses difficultés et de l'instrument qu'il constitue pour l'Evangélisation. Cela va sans dire que l'ouverture, l'audace et les options éditoriales de Docteur angélique conviennent parfaitement avec ma production écrite. Et j'espère, Dieu voulant, avoir une collaboration à long terme.
Comme je le signalais plus haut, dédiant tout mon temps à la rédaction de la Formation à trois niveaux que je continue à donner, cela me permet déjà de proposer d'autres livres à Docteur angélique. En tout cas ce qui est en prévision c'est un livre sur la Prière du cœur : « La prière du cœur à l'école de Marie ». Ce sera un livre tout aussi pratique que le précédent expliquant à tout public comment faire la prière du cœur, ou oraison. On y trouvera des détails et des indications que les auteurs spirituels donnent rarement.

• Qu’est-ce que cette « école de Marie » ?

L'Ecole de Marie a été fondée il y a 5 ans presque. Elle est une formation en trois niveaux en Théologie spirituelle, pour adultes. Chaque niveau a un Cours de base d'une quarantaine d'heures avec des cours complémentaires. Elle a pour but d'offrir à chaque chrétien adulte le minimum requis pour avoir une vie spirituelle solide, en gardant le sel de l'appel à la sainteté et en en montrant non seulement les voies, mais aussi les moyens pratiques. Elle n'est pas une école de spiritualité de plus ; elle s'efforce d'offrir une matière commune pour tous les chrétiens quelle que soit leur famille spirituelle. Elle puise dans la Tradition Mystique vivante de l'Eglise et la transmet dans un langage clair et accessible.
Cette formation existe déjà dans plusieurs pays : Egypte, Liban, France, Italie et Angleterre. Parfois plus développée dans certains pays (Italie, Egypte) que dans d'autres.
L'Ecole de Marie est aussi un premier pas, réaliste, vers un projet plus ambitieux, celui de créer une Faculté de Mystique (distincte de la Faculté de Théologie actuelle) avec un premier Cycle complet. Chose qui n'existe pas encore dans l'Eglise. Pour arriver à ce but, il est important de sensibiliser les fidèles, les responsables, les prêtres, et les Evêques. Plus la formation actuelle de l'Ecole de Marie sera donnée, plus on goûtera à sa qualité et à sa puissance capables de booster la vie spirituelle des chrétiens, plus on se rendra un jour à l'évidence que les futurs prêtres doivent recevoir ce premier Cycle de Mystique, comme bagage élémentaire dans leur formation, afin de mieux les armer et pour leur propre vie spirituelle et pour leur ministère ! Car au fond, ce qu'on attend du Prêtre c'est qu'il nous apprenne à connaître et à aimer Dieu. Or la formation théologique actuelle reste loin très loin de cet idéal.

• Avez-vous un forum ou un site Internet où l’on peut échanger avec vous ?


Oui, bien sûr, il nous faut utiliser les moyens que nous offre notre monde d'aujourd'hui et je dois avouer que l'Internet est un instrument extraordinaire de communication et d'échange. Je donne même des Cours par internet, par Skype - pour dire ! J'ai aussi un site sur internet www.amorvincit.com. Et enfin, j'ai une partie de Forum que j'anime. De fait, le forum Agapè a trois sections, je gère celle dédiée à l'apprentissage de la vie spirituelle : http://agape.forumactif.com

Merci Jean. Nous suivrons avec attention l’évolution de l’Ecole de Marie. Et félicitations pour ce travail formidable qui profite à toute l’Eglise.

 

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